Les Fondements Contradictoires de la Société selon Hobbes et Protagoras : Pertinence Contemporaine
La quête de compréhension de la société et de la nature humaine a été l'épine dorsale de la philosophie depuis l'aube de la civilisation. Deux penseurs majeurs, Thomas Hobbes et Protagoras, ont offert des perspectives distinctes sur la naissance et la structuration de la société, chacun apportant une contribution précieuse à la réflexion sur ces thèmes. Dans cet article, nous explorerons en profondeur les idées de Hobbes et de Protagoras, en les replaçant dans leur contexte historique et en mettant en lumière leur pertinence contemporaine.
Hobbes : L'État de Nature, le Contrat Social et la Quête de Sécurité
Dans la philosophie de Hobbes, il évoque un scénario fascinant où l'humanité se trouve à l'état naturel, une étape préliminaire dépourvue de toute structure sociale ou notion de justice. Dans ce contexte, l'individu est légitimement porté à poursuivre ses désirs et besoins fondamentaux pour sa survie. Hobbes présente cette condition comme une construction fictive, un portrait de l'homme à un stade primitif avant l'émergence de la société organisée et des concepts de justice qui l'accompagnent. À travers cette mise en scène d'un être humain avant l'existence de la vie sociale, Hobbes expose le droit de l'individu à protéger sa propre vie en usant de la force pour se préserver, conférant ainsi à chacun le pouvoir de tout entreprendre au nom de ce droit vital. Par conséquent, l'accomplissement des désirs et passions individuels devient un droit inhérent à cette condition. Cette dynamique implique également la légitimité de défendre sa propriété personnelle.
Au sein de cet état naturel, il est possible que deux individus partagent des désirs similaires, créant ainsi un terrain fertile pour le conflit. Cette situation d'égalité, dans le sens où tous les individus possèdent le même droit de poursuivre leurs désirs, génère inévitablement la méfiance et la défiance mutuelles. L'état d'alerte constant qui en résulte crée un environnement où les individus cherchent à se protéger et à accroître leur propre bien-être. Cette notion d'égalité en droit, bien que dépourvue de la signification moderne de justice, engendre des comportements compétitifs et conduit à l'émergence d'une insécurité généralisée. Cette insécurité est exacerbée par la présence de la jalousie et d'un sentiment d'injustice face à ceux qui possèdent davantage. Les conflits, la compétition et l'absence de stabilité empêchent le développement et la construction d'une société viable. C'est le manque de vertu et de justice qui jette les bases de cette situation.
Dans un tel état de nature persistant, il devient évident que l'édification de toute structure durable est entravée par le risque constant de guerres, de conflits et d'agressions. Outre la méfiance et la défiance, les relations sont teintées de jalousie et d'injustice, alimentant encore davantage l'insécurité. Cette réalité dépourvue de moralité et de fondement éthique conduit à des dynamiques telles que la rébellion, la compétition exacerbée, l'honneur et la quête de gloire, mais avec peu de perspective de paix durable.
Pour surmonter cette impasse, Hobbes introduit l'idée d'un contrat social. Ce contrat, sous-tendu par le désir de
maintenir la paix, invite les individus à renoncer en partie à leurs droits naturels. En se basant sur cet accord, la confiance remplace la défiance et la méfiance. Chacun s'engage à respecter les lois et les consensus établis, évitant ainsi l'usage de la force par crainte des conséquences légales en cas de violation. L'établissement de ces lois engendre une forme de justice qui favorise la vertu et l'exécution du contrat est garantie par l'État, une entité respectée et crainte, favorisant ainsi le développement de la société, des arts et de la connaissance.
Finalement, la distinction entre le droit en tant que liberté d'agir et la loi en tant que contrainte permet à la loi de régir la vie en société à travers le prisme du contrat social. Ainsi, le contrat représente un transfert, une promesse de renoncer à des droits naturels pour obtenir la paix et la stabilité dans une société qui fonctionne selon des règles convenues. L'analyse de Hobbes offre une perspective saisissante sur la nature humaine, l'évolution de la société et la façon dont des concepts tels que la justice et le contrat social continuent de façonner notre compréhension de la coexistence aujourd'hui.
Pertinence Contemporaine de la Philosophie de Hobbes
La philosophie de Hobbes continue de résonner dans le contexte contemporain, où les questions de sécurité, de gouvernance et de justice sont au cœur des débats mondiaux. L'idée de renoncer à une partie de la liberté individuelle en échange de la sécurité collective est au cœur de nombreux systèmes démocratiques modernes. La notion de contrat social peut être observée dans la manière dont les sociétés établissent des lois et des normes pour garantir la paix et la stabilité.
La philosophie de Hobbes trouve également un écho dans le débat sur la légitimité et le rôle de l'État en matière de protection des droits individuels. Les discussions sur la surveillance, la lutte contre la criminalité et la limitation des libertés individuelles à des fins de sécurité mettent en évidence la tension entre les droits personnels et le bien-être collectif. La question de savoir jusqu'où les individus doivent céder leurs droits pour garantir la sécurité reste d'actualité.
De la Vertu Divine à la Justice Humaine : Approches Contrastées de Protagoras et Hobbes sur l'Émergence de la Société
L'approche de Protagoras par rapport à Hobbes en ce qui concerne la transition vers la société met en évidence une différence fondamentale, à savoir l'utilisation d'un récit ancré dans l'Antiquité grecque, puisant dans la mythologie pour donner une dimension mystique à la notion de vertu et à la nécessité des lois. Bien que Hobbes également recoure à une forme de fiction, il évite cependant le recours à la mythologie. Les deux philosophes explorent néanmoins l'état initial de l'humanité pour examiner l'émergence de la politique, une préoccupation cruciale en Grèce antique marquée par des guerres incessantes, à la différence du contexte de Hobbes.
Protagoras aborde la genèse de la politique dans un dialogue avec Socrate, où la question de l'enseignabilité de la vertu est soulevée. Contrairement à Hobbes, Protagoras recourt au mythe de Prométhée pour expliquer que l'humanité a reçu un savoir technique visant à assurer sa survie face à un environnement hostile, dépourvu d'attributs naturels protecteurs. L'homme est ainsi doté de culture, d'apprentissage et de techniques pour sa sécurité, mettant en avant la dimension technique et artistique plutôt que le désir ou le droit à la survie, comme le soutient Hobbes.
Protagoras attribue également à Zeus l'intervention nécessaire pour établir la justice et la politique. Confrontés à des interactions marquées par l'injustice, Zeus envoie Hermès avec la Vertu et la Honte sur terre pour mettre fin au chaos. Cette intervention divine équilibre les affections chez chaque individu, engendrant la vertu et la raison. Cette approche mythologique diffère fondamentalement de celle de Hobbes, où l'ordre social est instauré par un contrat social où les individus cèdent certains droits en échange de la paix.
Chez Protagoras, les vertus de la Vertu et de la Honte, ancrées dans la nature humaine par les dieux, établissent l'ordre politique. Contrairement à Hobbes, où l'éthique et la politique sont distinctes et séparées, Protagoras fonde l'ordre social sur des vertus inhérentes. La notion de justice est ainsi inscrite dans l'humain dès le départ, limitant la vanité et le droit naturel. La politique chez Protagoras repose sur l'enseignement et la cultivation de ces vertus, considérant les punitions comme un moyen d'éduquer et de réorienter les comportements vers l'excellence vertueuse.
En contraste, chez Hobbes, l'État est chargé de prévenir les tendances naturelles des individus par l'établissement de lois et de contrats. La justice n'est pas inscrite dans la nature humaine, mais émerge de la fondation sociale. Ainsi, la différence fondamentale réside dans le fait que chez Protagoras, la politique émane des vertus intrinsèques, tandis que chez Hobbes, elle découle d'un pacte social établi pour prévenir les tendances humaines naturelles.
Pertinence Contemporaine de la Philosophie de Protagoras
La philosophie de Protagoras trouve une résonance moderne dans les discussions sur l'éducation, la culture civique et la responsabilité individuelle. L'importance accordée à la vertu et à la justice en tant que fondements de la société peut être observée dans les débats sur l'éthique des affaires, la responsabilité environnementale et la nécessité de traiter les autres avec respect et équité.
La mythologie de Protagoras soulève également des questions sur la relation entre la culture, la moralité et la formation de la société. Dans un monde de diversité culturelle, la manière dont les individus interagissent les uns avec les autres et reconnaissent les valeurs communes peut influencer la cohésion sociale et la stabilité.
Synthèse et Complémentarité Philosophique
Bien que les philosophies de Hobbes et de Protagoras diffèrent quant à l'origine de la société (contrat social vs vertu naturelle), elles se complètent en fournissant des perspectives riches sur la nature humaine et les fondements de la société. Hobbes met en avant la nécessité d'un contrat social pour contrôler les impulsions individuelles et assurer la sécurité collective, tandis que Protagoras souligne la vertu et la responsabilité morale comme moteurs de l'ordre social.
Ces deux perspectives sont également pertinentes pour le débat contemporain sur la gouvernance, les droits individuels, la justice sociale et l'éthique. L'équilibre entre les droits individuels et le bien-être collectif, ainsi que l'importance des valeurs éthiques dans la construction d'une société durable, restent des questions cruciales dans le monde moderne.
Conclusion
Les réflexions philosophiques de Hobbes et de Protagoras sur la naissance de la société continuent de fasciner et d'inspirer. Leurs idées, bien que nées dans des contextes historiques distincts, demeurent pertinentes pour les défis contemporains liés à la sécurité, à la justice, à la gouvernance et à l'éthique. En explorant leurs visions divergentes, nous sommes invités à réfléchir à la complexité de la nature humaine et à la manière dont les sociétés peuvent trouver un équilibre entre l'individu et le collectif, entre les droits
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